Les colonnes de cette édition 🦝

El Salvador. Un pays qui a fait de Bitcoin sa monnaie légale en septembre 2021, devenant le premier au monde à franchir ce pas audacieux. Mais dans ce laboratoire économique grandeur nature, tout le monde n'en profite pas encore. Les statistiques montrent une adoption mitigée parmi la population, malgré les incitations gouvernementales, et certaines études évoquent même un déclin relatif des investissements depuis cette décision historique.

Pourtant, au sud de la ville d'Usulután, l'un des départements autrefois les plus dangereux du pays, un terrain poussiéreux voit éclore quelque chose d'unique : une école de foot entièrement financée en Bitcoin. Derrière le projet, un homme qui a troqué son scepticisme pour une mission : offrir aux gamins d'un quartier marqué par les gangs un avenir où le ballon roule plus souvent que les balles.

Dans un pays où la dette nationale atteint 85% du PIB en 2024 et où les politiques économiques connaissent des ajustements constants (les entreprises ne sont plus obligées d'accepter Bitcoin depuis début 2025), cette initiative locale montre comment la technologie peut servir le développement communautaire loin des grands débats économiques.

Pourquoi une école de foot financée en Bitcoin ?

Tout part d'un rêve de gosse. Le fondateur de Bitcoin FC Escuelita a grandi sans pouvoir intégrer une école de football, faute de moyens et d'infrastructures. Plus tard, il s'est engagé auprès des jeunes, d'abord dans des projets sociaux et éducatifs, puis en découvrant Bitcoin comme un outil de transformation.

Le quartier d'El Pedregal, où il a fondé son école, était autrefois le théâtre d'affrontements entre les plus grands gangs du Salvador. Cette réalité n'est pas isolée : selon la Banque mondiale, le football est souvent utilisé comme "remède social contre la violence" dans toute l'Amérique latine, où le ballon rond est considéré comme le "ciment d'un peuple" capable de transcender les divisions sociales.

Aujourd'hui libéré de la violence grâce aux politiques sécuritaires du gouvernement, El Pedregal reste en marge du développement et des grands projets gouvernementaux. Là où personne ne voulait investir, Bitcoin est devenu une solution : l'école finance les repas, les équipements, les infrastructures… et surtout, elle offre un espace où les gamins peuvent jouer, apprendre et rêver.

L'initiative n'est pas qu'un one-shot : elle s'appuie sur une autre école pionnière, Escuelita Bitcoin en Uruguay, qui lui apporte des dons réguliers pour faire tourner la machine. Ce réseau de solidarité transnational illustre comment les communautés Bitcoin peuvent s'organiser pour soutenir des projets à impact social, indépendamment des fluctuations du marché ou des politiques gouvernementales.

D'un pasteur opposant à Bitcoin… à éducateur passionné

L'histoire aurait pu s'arrêter là, mais l'angle Bitcoin est encore plus fascinant. À la base, Luis n'y croyait pas. Bitcoin, pour lui, c'était juste du bruit, des promesses vides. Puis un jour, il assiste à une conférence, commence à creuser… et tombe amoureux de la philosophie du truc. La décentralisation, l'inclusion, la liberté financière : ça résonne fort dans une communauté où le contrôle de l'argent est souvent une question de survie.

Ce parcours personnel reflète les contradictions du pays tout entier. Alors que le gouvernement salvadorien a fait un pari audacieux sur Bitcoin, l'adoption réelle par la population reste inégale. Les zones urbaines et touristiques comme El Zonte (siège du projet Bitcoin Beach) contrastent avec les régions rurales où l'accès aux technologies financières reste limité.

Il devient prof de Bitcoin, travaille avec Bitcoin Beach, l'un des premiers projets d'adoption massive au Salvador qui a inspiré la politique nationale, et crée Mission 21 Foundation, une organisation dédiée à l'éducation et au développement communautaire via Bitcoin. Parce que Bitcoin, ce n'est pas qu'une question de thunes, c'est une question de changement.

Son approche pédagogique va au-delà des simples transactions : il a rédigé un livre de cours sur Bitcoin utilisé par ses organisations et travaille sur un second ouvrage liant Bitcoin et valeurs. Cette dimension éducative est cruciale dans un pays où la littératie financière reste un défi majeur, particulièrement dans les communautés défavorisées.

Le projet dépasse le foot : une transformation de la communauté

La réaction des habitants ? Au début, sceptiques. Beaucoup pensaient à une arnaque politique de plus. Puis, ils ont vu les terrains rénovés, les enfants jouer, les parents eux-mêmes commencer à s'intéresser à Bitcoin.

Cette méfiance initiale n'est pas surprenante dans un contexte où les promesses politiques ont souvent été déçues. Selon plusieurs études, l'adoption de Bitcoin comme monnaie légale au Salvador a généré des résultats mitigés au niveau national, avec des critiques pointant l'instabilité de la cryptomonnaie et son impact sur les finances publiques.

Aujourd'hui, en plus de l'école de foot, le projet a permis de financer un puits d'eau potable pour la communauté et de poser les premières pierres d'un Bitcoin Center, un espace qui servira à l'éducation et aux rencontres locales. Seul hic : il manque encore un toit, des portes, des fenêtres et un sol pour en faire un vrai lieu fonctionnel.

Cette approche holistique rappelle autres initiatives en Amérique latine, comme le partenariat entre la Fondation Inter Miami CF et l'UNICEF qui soutient des programmes d'éducation dans plusieurs pays dont El Salvador. Ces projets démontrent comment le sport peut servir de porte d'entrée vers d'autres formes de développement communautaire.

L'impact va au-delà du terrain de jeu : en créant un environnement sécurisé où les enfants peuvent s'épanouir, le projet contribue à briser le cycle de la violence qui a longtemps caractérisé la région. Les parents, initialement méfiants, deviennent des alliés et parfois des participants actifs, créant un cercle vertueux de développement communautaire.

🔹 Où ça va dans 5 ans ?

L'objectif est clair : une académie structurée, des jeunes autonomes financièrement grâce à Bitcoin, une communauté transformée, et l'ouverture d'un deuxième club dans une autre ville.

Cette vision s'inscrit dans une tendance plus large où sport et technologies financières convergent. Dans le monde entier, des clubs sportifs explorent comment les cryptomonnaies peuvent diversifier leurs revenus et impliquer davantage les supporters. Des projets comme Sorare, MyCoachLigue1 utilisent la blockchain pour créer des jeux de management sportif, tandis que les "fan tokens" permettent aux supporters d'influencer certaines décisions de leurs clubs favoris.

Le foot comme outil social, Bitcoin comme moteur économique, et des mômes qui ont enfin autre chose à quoi rêver qu'à survivre. Cette combinaison pourrait créer un modèle reproductible dans d'autres communautés confrontées à des défis similaires, non seulement au Salvador, mais dans toute l'Amérique latine.

À l'heure où le sponsoring des équipes de football par des entreprises de cryptomonnaies augmente considérablement (notamment en Ligue des Champions), ce petit projet communautaire offre une perspective différente : utiliser la technologie blockchain non pas pour le profit, mais pour l'impact social direct.

🔹 Et toi, tu peux aider ?

Pas besoin d'être un maxi du Bitcoin pour filer un coup de main. Mission 21 Foundation est sur Geyser Fund, une plateforme de financement participatif Bitcoin qui permet de soutenir des projets à impact social via des micropaiements en cryptomonnaies. Cette approche de financement décentralisé permet de contourner les intermédiaires traditionnels et d'assurer que les fonds atteignent directement les bénéficiaires.

Et si ce projet t'inspire, partage son histoire. Dans un écosystème crypto souvent dominé par la spéculation et les promesses de gains rapides, des initiatives comme Bitcoin FC Escuelita rappellent le potentiel transformateur de la technologie blockchain lorsqu'elle est mise au service de causes concrètes.

Parce qu'au fond, c'est peut-être ça le vrai Web3 : un réseau d'histoires, de soutiens et d'initiatives qui valent plus qu'un simple pump and dump. Un monde où la technologie sert à créer des connexions humaines plutôt qu'à les remplacer, et où l'innovation financière devient un outil d'inclusion plutôt que d'exclusion.

Dans un Salvador en pleine transformation, où les politiques nationales concernant Bitcoin continuent d'évoluer, ce petit terrain de football poussiéreux pourrait bien être le laboratoire d'une adoption plus authentique et durable que n'importe quelle initiative gouvernementale.

Et comme d’hab

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Dayan